Liban - "Chauffeurs taxi" par défaut (1/2)

Crédit photo : Layal Gebrane - iPrincess Anarchy - Flickr

 

Signes particuliers : une plaque d'immatriculation rouge, une tendance compulsive à klaxonner et un caractère bien trempé. À force de patrouiller jour et nuit dans les rues de Beyrouth, les taxis libanais se vantent d’avoir levé les derniers secrets de la capitale labyrinthe. Des secrets qu’ils aiment à partager, autant qu’ils rechignent à dévoiler les leurs…

 

Personnages haut en couleurs, nombre d’entre eux ont pourtant une histoire personnelle romanesque, riche de mille anecdotes. Portraits de deux "chauffeurs taxi" récemment rencontrés dans la capitale libanaise, qui ont accepté d’en dire plus sur leurs parcours (1/2).

 

Ex-milicien et papa poule

 

À 54 ans, Karim, se targue d’avoir vécu plusieurs vies et surtout d’être revenu d’entre les morts. "Chauffeur taxi" depuis quatre ans, il ne sillonne Beyrouth que la nuit car il a horreur des embouteillages chroniques qui font la réputaion de la ville. "En plus, je préfère les noctambules, car c’est plus rentable et ils ne discutent pas les prix", dit-il en grattant son crâne dégarni et cabossé avec l’index. Mais il confie surtout préférer cette jeune clientèle insouciante aux "travailleurs grincheux du matin".

 

Et pour cause, sa jeunesse ne s’est pas exactement déroulée dans le même contexte. Car à l’aube d’entamer ses études de commerce, Karim décide de prendre les armes à l’âge de 18 ans "pour défendre le Liban". Cet ancien milicien a en effet combattu dès les premières années de la guerre qui a ravagé le pays du Cèdre de 1975 à 1990. Après avoir été grièvement blessé par des éclats d’obus, Karim "s’exile" en France vers la fin des années 1980. "J’avais le cœur brisé, je ne voulais pas quitter mon pays et mes frères d’armes. Mais mes parents ont tout fait pour financer mon voyage et me mettre à l’abri de la mort d’autant plus que je suis fils unique".

 

À Paris, il rencontre une Libanaise, Maya, lors d’une promenade au jardin du Luxembourg. "Nous nous sommes mariés six mois plus tard et elle m’a donné deux fils". Malgré une vie agréable, il décide de rentrer au Liban en 2007, avec toute sa famille, après avoir travaillé pendant vingt ans au sein d’une agence de voyage.

 

Retour au pays

 

Lui, qui avait idéalisé son retour au pays du Cèdre, a rapidement déchanté. Faute d’avoir trouvé un travail dans le secteur touristique, il se résout à débourser 20 000 euros pour acheter sa licence de taxi. "Que voulez-vous que je fasse ? Pouvez-vous dire à vos enfants que vous n’avez pas assez d’argent pour les éduquer correctement ? Bien sûr que non, alors j’étais prêt à travailler n’importe où pour pouvoir les regarder dans les yeux quand ils seront grands".

 

Connaissant Beyrouth comme sa poche, de part les combats qu’il a mené dans les différentes artères de la capitale, il s’adapte rapidement à son nouveau métier. "Il m’arrive de nommer les quartiers selon leur nom de code pendant la guerre, ce qui provoque parfois la surprise voire la crainte chez certains clients qui devinent alors mon passé", confie-t-il sur un ton nostalgique.

 

Mais lassé par le rythme du travail, Karim tente plusieurs fois de revendre sa licence, avant de se ressaisir car "il faut bien manger". Sa femme n’a trouvé que récemment un emploi de secrétaire médicale. "On arrive enfin à joindre les deux bouts. Si tout va bien, on pourra ouvrir d’ici 3 ans une auberge à la montagne pour y accueillir des randonneurs et des touristes". Un projet qui lui tient à cœur, car il est synonyme de fin de carrière de taxi.

 

Par Marc Daou
 

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