Au Liban, la loi contre les violences conjugales fait débat

 

Les députés libanais ont réussi à mettre entre parenthèses leurs querelles politiques habituelles pour se pencher sur une loi d’un autre âge. Plus précisément sur l'article 562 du code pénal libanais qui absout ou presque le crime d’honneur. Sur proposition du jeune député du parti Kataeb Samy Gemayel, les parlementaires ont voté la semaine dernière l’abrogation de cet article qui stipulait : "Pourra bénéficier d’une circonstance atténuante quiconque, ayant surpris son conjoint, son ascendant, son descendant ou sa sœur en flagrant délit d’adultère ou de rapports sexuels illégitimes avec un tiers, se sera rendu coupable sur la personne de l’un ou de l’autre de ces derniers d’homicide ou de lésion non prémédités".

 

Pis, avant 1999, date à laquelle le texte avait été amendé, il n’était même pas question de circonstances atténuantes mais "d’une excuse absolutoire". Même s’il a fallu attendre 2011 pour écarter cette loi infamante pour le pays, il s’agit d’une avancée de taille pour les femmes, qui rappelons-le, sont les premières victimes de ces crimes d’honneur. Jusqu’ici tout va bien. Le Liban semble enfin enclin à moderniser sa législation.

 

Mais cet excès d’optimisme est prématuré. Car d’autres dossiers liés aux droits de la femme libanaise restent en suspens. En effet, le Parlement est en train de débattre depuis quelques semaines un projet de loi relatif à la protection des femmes contre toute forme d’abus et de violence au sein de la famille ou du ménage. Il est par exemple question de criminaliser et de punir les relations sexuelles forcées au sein d’un couple marié au même titre qu’un viol. Il ouvre également la possibilité aux femmes de porter les cas de violences conjugales devant les tribunaux civils.

 

Pouvoir religieux et droits des femmes

 

Élaboré sur proposition de juristes et d'associations féministes, le projet de loi a été validé par le gouvernement en avril 2010. Mais ce projet ne fait pas l’unanimité, notamment auprès des autorités spirituelles musulmanes. En effet, Dar el Fatwa, la plus haute autorité sunnite du pays s'est dite opposée au projet, estimant qu'il provoquerait "la dislocation de la famille comme en Occident" et aura un "impact psychologique sur les enfants musulmans (...) qui verront leur mère défier l'autorité patriarcale et le menacer de prison, ce qui affaiblira l'autorité morale" du père. Une position également adoptée par le Conseil supérieur chiite et le Hezbollah. Le parti de Dieu estime en effet que c’est aux tribunaux religieux de se pencher sur ce type d’affaire, afin que la charia, la loi islamique, soit appliquée.

 

En effet, le Liban étant composée d’une mosaïque de 18 communautés religieuses reconnues, les lois sur les statuts personnels relatives au mariage, au divorce, à la vie familiale et à la succession sont traitées par des tribunaux religieux qui dépendent de chacune des différentes communautés chrétiennes et musulmanes. Une pratique qui confère aux instances religieuses un pouvoir et une influence incontournables sur la société libanaise.

 

S’il est voté, ce projet de loi s'inscrira sous le code pénal et non du statut personnel, faisant craindre aux instances religieuses de perdre de leur autorité. Y a-t-il un conflit d’intérêt entre pouvoir religieux et droits des femmes ? C’est aux députés libanais que revient le privilège de trancher la question.

 

M.Daou

 



Ce spot publicitaire fait partie d'une campagne lancée par l'ONG KAFA, qui lutte contre la violence à l'égard des femmes. Dans la vidéo, le mari ordonne à sa femme de lui apporter du sucre...ce qu'elle ne fait pas assez vite à ses yeux.

 

Photo principale : capture d'écran (KAFA)

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